La nouvelle lubie de l’Etat: le fichage des personnes sans domicile fixe.

Le chantier national prioritaire 2008/2012 pour les personnes sans abri ou mal logées soutenu par le secrétaire d’Etat au logement et à l’urbanisme Benoist APPARU, se concrétise par la mise en place de 20 mesures censées améliorer les conditions d’hébergement et de logement des personnes en situation de grande précarité. Cinquième proposition du chantier, la base de données 4DCHRS, crée par la société PAXTEL. Pour le secretaire d’Etat et une partie non négligeable du secteur associatif ce nouveau fichier, exploité par les SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation), a pour  objectif de voir les disponibilités d’hébergement en temps réel et ainsi, faciliter l’orientation des personnes en situation de précarité vers une mise à l’abri.

  1. Un fichage généralisé.

1.1 La transparence des données Les défenseurs de cette base de données sur laquelle figurera aussi bien les éléments personnels de l’hebergéE que la main courante des TS (c’est a dire la photographie de l’accompagnement social), arguent que ni l’Etat ni les SIAO n’ont accès aux données inscrites dans les onglets de cette base. Cependant, si personne n’a accès à ces données mis à part le TS et son supérieur hiérarchique, pourquoi être dans l’obligation d’inscrire l’évolution de l’accompagnement social de la personne sur ce fichier  ? Alors que les autorités affirment qu’elles n’ont accès qu’à des données anonymisées, la société PAXTEL elle ne se cache pas d’avoir accès à toutes les données enregistrées en temps réel. Conservées pendant 18 mois dans la base, toutes les informations inscrites sont, passées ce délai, gravées sur CD et archivées. Ainsi, parce que PAXTEL est une société privée n’étant pas étrangère au profit, il est a craindre que, du fait de sa casquette de small-brother ayant un sens éthique casi-nul, certaines informations puissent un jour être vendues ou tout simplement transmises aux représentants de l’Etat ou à leurs forces répressives.

1.2 Droit à l’oubli et stigmatisation D’autre part, ce fichier, les personnes en situation de précarité ne pourront pas rejeter leur passé. Ainsi,  lorsque que telLE TS travaillant au sein des SIAO verra par exemple que M. GENEPI  a été exclu  d’un établissement suite à un passage à l’acte violent, celui/celle-là peinera à le réorienter vers un nouveau dispositif d’hébergement. Cette impossibilité de rejeter son passé engendrant de fait un processus de stigmatisation des personnes en situation de précarité contribuera de fait à la création   d’ une liste noire des personnes « in-hébergeables ». 1.3 De « bases éleves » à « Base SDF » De plus, la base est composé d’un système de fiches comportant des items relatant la situation sociale des personnes. Parmi eux l’item « situation administrative » qui permet, entre autre, au TS d’indiquer si la personne est ou non « sans papier ». Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour comprendre que 4DCHRS va permettre comme le fichier « Base-élèves » à traquer les personnes en situation irrégulière. Quand bien même ce fichier serait  anonyme, l’Etat pourra, malgré tout, calculer le % de personnes en situation irrégulière qui auront été accueillies durant l’année et ainsi allouer les budgets de l’année suivante en fonction des « mauvais réultats » qui lui auront été transmis. D’autres items tel que le « Problématique », permet une nouvelle fois de stigmatiser  la personne comme « toxicomane », « psychotique » « … » et ne laisse aucune place à l’idée selon laquelle celle-ci n’est pas un sac de problémes mais un individu à part entière présentant une multitude de capacités et de potentialités.

II. De l’orientation au « casage »

2.1 Orienter pour chiffrer En plus d’exploiter ce nouveau fichier, les SIAO vont,  à présent, prendre le pas sur le travail des TS en matière d’orientation des personnes vers les structures d’hébergement. Prenons pour exemple Madame TULIPE hébergée dans un dispositif d’urgence ou de stabilisation. Pour expliquer rapidement le fonctionnement actuel, le/la TS l’accompagnant dans son projet peut, au bout d’un certain travail effectué, l’orienter soit vers un logement soit estimer, après évaluation  que celle-ci n’est pas encore prête à vivre en totale « autonomie ». Auquel cas, le/la TS peut effectuer une demande d’hébergement auprès d’un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Compte tenu de leur mode d’hébergement, leur histoire, leur « philosophie » de l’action, leur réglement de fonctionnement… le travail effectué au sein des CHRS varie d’une association à l’autre. Le/la TS accompagnant Mme TULIPE connaissant donc le mode de fonctionnement de chaque  institution va décider d’orienter cette dernière vers tel CHRS plutôt que vers tel autre car sachant par exemple que celui-ci à des outils de travail permettant de répondre à telle difficulté. Par la mise en place des SIAO, ces orientations réfléchies prenant en compte les besoins des personnes vont disparaître. En effet, il ne sera plus question de réfléchir à l’adaptabilité de la structure à l’individu, au contraire, cela sera à la personne orientée de s’adapter à l’établissement.  Par ces orientations ayant uniquement pour objectif de remplir des lits et non de penser le devenir de la personne, le SIAO répondront et contribueront sciemment à la politique du chiffre demandée  par l’Etat.

2.2 Le SIAO, un service à deux vitesses La transparence des données inscrites sur cette base va également jouer un rôle considérable sur les « non-orientations » vers les structures d’hébergement. En effet, parce que certaines personnes en situation de précarité ne parviennent pas à sortir de « l’engrenage » dans lequel elles sont inscrites, comment peut-on imaginer que les TS des SIAO les orientent vers un nouveau dispositif d’hébergement si, par cette base, ils/elles constatent que le travail effectué dans le passé n’a pu déboucher sur un projet d’avenir plus ou moins stable? Ainsi, il est à craindre que les SIAO ne soient finalement que des dispositifs à deux vitesses laissant sur le bord du  trottoir les personnes les plus marginalisées.

  1. Le contrôle des TS

3.1 Vers un tarification à l’acte Le 18 juin 2010, Benoist Apparu, alors invité à l’assemblée génerale de la FNARS affirmait qu’il ne s’agit pas, par cette réforme, d’aboutir à une tarification à l’acte ou a l’activité . Cependant, malgré sa longue tirade, il est plus que légitime, ne s’attendre, d’ici quelques temps, à ce type de tarification. Réduire les  fiches du logiciel à la situation socio-administrative de la personne, c’est réduire le TS à unE démarcheur/euse d’actes administratifs et ainsi nier la partie immérgée de ses interventions. Parce qu’aucune réflexion n’est posée sur les milles et une activités que nous effectuons au quotidien, pour rassurer une personne, pour lui permettre de reprendre confiance en elle, pour l’encourager à diminuer sa consommation d’alcool, pour poser des mots sur son passé… le/la TS n’est, pour l’Etat, qu’un agent chargé d’ouvrir des droits CPAM, CMU, CRAV, AL et de les inscrire  sur des fiches. Ainsi, compte tenu qu’il/elle ne serait qu’unE démarcheur/euse, pourquoi ne pas le/la payer uniquement en fonction du nombre de « démarches », (d’ouvertures de droits) qu’il/elle aura effectué dans le mois et ainsi réduire l’accompagnement social à un quota d’instruction RSA et de demandes CMU?

3.2 Un contrôle hierarchique Les TS refusant d’indiquer des informations sur les fiches de 4DCHRS auront la possibilité des remplir les items de ces dernières par le  fameux « NR » le « Non Renseigné » qui nous sauvent. Qui nous sauve juste un temps car tout est pensé pour limiter ce possible échapatoire. Grâce à un login, leur patron peut avoir accès au nombre de « NR » enregistré dans chaque fiche. Trop de « NR » pourrait alors signifier deux choses: soit, par confidentialité et respect pour la personne, un refus de livrer des informations, soit une réelle méconnaisance de la situation de celle-ci. Dans les deux cas, le/la TS  à la botte de l’Etat et de son patron sortira perdant. Taxer de mouton noir ou de bon à rien, il/elle se verra rappeler à l’ordre….Ordre qui, aux oreilles des moutons noirs raisonnera aussi brutalement que le refus catégorique de s’assujetir aux dictats de sa hiérarchie.

Scapin/Interpro 67

Texte dans son intégralité: http://www.cnt-f.org/sante-social.rp/fichagesiao-cnt87-oct10.html


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